L'ART ET L'AMOUR : DANS L'INTIMITÉ DES MUSES

L’art et l’amour, c’est une rencontre heureuse et de la magie pure ; sans eux deux, notre monde n’existerait pas. Le doute et l’échec guettent en permanence l’artiste dans sa fureur de vivre et d’exprimer ce qu’il vit intensément ou douloureusement. Une œuvre d’art reste à jamais un chef d’œuvre construit sur du vécu et fait de pulsions, d’émotions et de sensations poussées à leur paroxysme.  

L’inspiration artistique ne vient pas de nulle part, quand bien même se voudrait-elle de source inconnue ou spontanée ! Dans l’art d’aimer, dans l’art de dire et redire cet amour, de le peindre ou de le sculpter pour mieux le faire connaître et le transmettre, il n’y a pas de hasard parce qu’il y a manifestement un fil, un lien invisible qui relie l’artiste au carburant qui lui permet de si bien avancer dans son œuvre ! Ce moteur discret qui l’emmène, ne serait-ce pas un visage, un corps féminin qui dans son intimité, lui remue les tripes ?

 

La muse, celle à qui l'artiste doit tout

Derrière l’artiste, se cache bien évidemment une muse ; c’est elle qui lui permet d’exprimer ses envies et ses amours mais aussi ses souffrances en plein cœur d’une sexualité pas toujours assumée. Chaque relation entre les muses et les artistes ont été régies par une source inspiration inépuisable mais aussi irrémédiablement par une tension destructrice, et Pablo Picasso ne sera pas le dernier à profiter de l’aubaine.

L’artiste tourmenté a toujours eu besoin d’une amante, brève ou plus insistante, pour mettre en valeur tout son talent. L’inspiration qu’il recherche inconsciemment dans sa perpétuelle quête de créativité, c’est la femme qui le lui apporte avec bien souvent beaucoup de dégâts. La mythologie grecque nous le rappelle depuis la nuit des temps : ce sont bien les femmes qui inspirèrent les peintres, les sculpteurs, les poètes, les cinéastes pour des histoires d’amour qui mourront avec l’humanité. Pas avant ! Toutes ces muses sans exception eurent leur propre histoire : chacune d’entre elles furent dans leur grande majorité d’une intensité insoupçonnable qui impose notre respect.

 

 

L'Antiquité : les premières muses

Les 9 filles antiques de Zeus, le Dieu suprême et de Mnémosyne, déesse de la Mémoire, très liées à Apollon, le Dieu des Arts, auraient-elles été les premières de nos muses de l’Antiquité qui auraient à ce point marqué l’Histoire ? Les coquines si férues de connaissance furent engendrées selon la mythologie grecque au terme de neuf nuits d’amour. Elles chantaient, jouaient de la musique, dansaient, récitaient des poésies épiques et lyriques, s’occupaient d’astronomie et de rhétorique. Elles n’étaient pas non plus manchottes pour déballer des histoires érotiques à la recherche de leurs premières cavalcades. Elles restent aujourd’hui la mémoire de cet Art des Muses.

Impressionnante en effet est cette formidable présence des Muses des Temps Anciens dans notre poésie ! Joachim du Bellay, Pierre de Ronsard, Alfred de Vigny, Victor Hugo, Alfred de Musset et bien d’autres s’en inspirèrent superbement ! Quant à Baudelaire et ses Fleurs du Mal, ce fut plutôt l’amour en souffrance.

 

 

Les muses, de la Renaissance à nos jours

Simonetta Vespucci, première muse d'artiste

Simonetta Vespucci (1453-1476) est probablement la première femme à avoir été identifiée comme réellement muse d’artiste. Elle naît en 1453 du côté de Gênes, épouse le cousin du navigateur Amerigo Vespucci, est une très bonne vivante à Florence sous le règne de Laurent le Magnifique au point d’éblouir toute la Cour Royale par sa beauté et sa classe naturelle. Piero di Cosimo l’imagine alors en Cléopâtre, et Sandro Botticelli tombe lui aussi sous le charme de cette Simonetta devenue la plus belle femme de Florence. Elle devient son modèle pour plusieurs de ses œuvres, et l’une de ses plus connues, la Vénus. La tuberculose a raison de sa jeunesse, et la mort vient la chercher en 1476 alors qu’elle n’avait que 23 ans.

« La Bella Simonetta » l’idéal féminin par excellence, a-t-elle vraiment été derrière « la Naissance de Vénus » ? Peut-être bien mais le mystère reste entier et c’est bien là toute l’alchimie de l’artiste et de sa muse ! Sandro amoureux secret de Simonetta ? L’Histoire ne confirme pas, elle ne fait que suggérer. Seule certitude : Botticelli souhaitait être enterré à ses côtés. Une faveur qui lui fut accordée lorsqu’il mourut en 1510.

 

 

Picasso : quand l'amour se mêle à l'art

Olga Khokhlova (1891-1955)

Olga Khokhlova (1891-1955) est la première épouse de Picasso. ! C’est une muse pleine de tourments mais d’une beauté sculpturale sans pareille. Dans une impressionnante exposition réunissant 350 œuvres, le musée Picasso dresse le portrait controversé de cette muse hors du commun. Pablo va jusqu’à offrir à Dona Maria, sa propre mère, une de ses œuvres « Olga Khoklova à la mantille » (1917). « Ma petite, il ne sera jamais marié qu’avec la peinture », intime Dona Maria à Olga. La suite ne lui donne pas tort.

 

Fernande Olivier (1881-1966)

Fernande Olivier (1881-1966) est la compagne et la muse de Picasso entre 1904 et 1909. Elle le croise au Bateau-Lavoir, nouveau fief du peintre où elle est mannequin photo. Fréquentant tous les deux les artistes de Montmartre, rien de surprenant dans cette rencontre qui très vite s’accélère : elle lui redonne le goût de vivre qui débouche sur la période rose du peintre. Jaloux, ingrat, Picasso finit par l’enfermer dans son atelier lorsqu’il sort et lui interdit de poser pour d’autres artistes. Elle quitte définitivement Picasso sans un sou en 1912. Il est admis de nos jours qu’elle a vraiment posé pour la représentation de l’une de ces demoiselles d’Avignon.

 

Marie-Thérèse Walter (1909-1977)

Marie-Thérèse Walter (1909-1977) est l’une des muses les plus importantes de Picasso mais elle est aussi la maîtresse secrète de l’intenable Pablo. Officiellement, leur première rencontre date de 1931 mais c’est dès 1926 que Marie-Thérèse croise à 15 ans les pas amoureux du Pablo encore anonyme. Elle devient par l’influence du futur génie d’abord son modèle puis très vite sa muse, son objet et son égérie pendant une dizaine d’années. Maya est cependant à tous les deux la consécration de leur amour passionné et réciproque. Le mérite de Marie-Thérèse est immense, fantastique, incroyable d’authenticité d’avoir pu accompagner à la fois si peu et trop longtemps Picasso dans sa recherche permanente de l’amour. Au cours de l’hiver 1935-1936, Pablo Picasso rencontre Dora Maar mais reste encore quelque temps aux côtés de Marie-Thérèse. La plus grande muse de Picasso, toutes périodes confondues, se suicide en 1977, quatre ans après la mort de Pablo.

 

Pour plus de curiosité, n’y aurait-il pas un surprenant quelque chose de Marie-Thérèse Walter et de de Dora Maar dans Guernica de 1937 et dans Face couchée avec livre avec ces deux facettes qui semblent réunir une seule et même femme ?

 

Dora Maar (1907-1997)

Dora Maar (1907-1997), photographe à l’origine, se fait sa place dans la peinture surréaliste. Elle entre dans la vie de Picasso pendant l’hiver 35-36 et ne le quitte plus. Elle est l’amante et la muse mais paye finalement très cher les sentiments qu’elle éprouve pour cet artiste-peintre hors normes, occultant l’ensemble de sa propre œuvre artistique. Une vente posthume en 1998-1999 fait découvrir au public et aux professionnels une production très personnelle de Dora qui n’avait jamais quitté son atelier.

 

Françoise Gilot (1921)

Françoise Gilot (1921), centenaire à ce jour, serait-ce la seule de ses muses à avoir sauvé sa peau ? Françoise partage la vie du génie espagnol de 1944 à 1953. Elle rencontre Picasso en Mai 1943 sous l’Occupation alors qu’il vit son histoire d’amour avec Dora Maar. Pendant leur vie commune, elle lui donne 2 enfants, Claude et Paloma et devient « La Femme Fleur » radieuse et solaire du Maître.

 

Jacqueline Roque (1927-1986)

Jacqueline Roque (1927-1986) : Elle est l’égérie ultime de Picasso et sa dernière épouse. C’est en 1952 qu’il fait sa rencontre et elle le suit pendant ses 20 dernières années. Dans sa vie comme dans son œuvre, Jacqueline prend une place particulière à ses côtés. A sa mort, Pablo Picasso lui lègue une partie très importante de son œuvre dont le château de Vauvenargues. Compte tenu du vécu du grand peintre et de ses amours passées, il y a par la suite pas mal de dégâts, sur le plan judiciaire notamment. Dépressive, Jacqueline se suicide le 15 octobre 1986 et est enterrée à sa demande dans le parc du château aux côtés de Picasso.

Souvent bien plus jeunes que l’artiste, les compagnes ou épouses de Picasso furent ses modèles : la vie de ce peintre de génie a connu la souffrance, la jalousie, les infidélités, les déchirements mais aussi beaucoup d’amour, de créativité, de bonheur plus ou moins décalé ou éphémère. Toute cette palette de sentiments a toujours croisé les pinceaux de Picasso et rythmé la vie amoureuse du Maître et de ses Muses.

 

Salvador Dalí : son amour, Gala

Gala (1894-1982), née sous le nom d’Elena Diakonova, elle fut l’égérie magnifique du monde de l’Art amoureux. À 18 ans, elle rencontre Paul Eluard et l’épouse. À 21 ans, elle pose pour Max Ernst et devient sa maîtresse. En 1929 et ses 35 ans bien assumés, elle rencontre Dali. C’est le coup de foudre réciproque ! Elle est l’épouse assagie du grand peintre mais aussi sa muse d’une richesse d’esprit impressionnante. Concernant essentiellement Gala, quoi de plus remarquable dans les œuvres de Salvador Dali que « La Madone de Port-Légal » de 1950 et la « Galatea aux sphères », huile sur toile peinte en 1952 qui représente Gala dans un ensemble énigmatique de sphères.

Galatea… Gala… c’est une double référence à la mémoire de Galatée pour célébrer dignement sa vertu ! Galatée est l’une des néroïdes de la mythologie grecque qui vivait sur un rivage de Sicile. N’y aurait-il pas là caché derrière Gala « Polyphème le bavard », fils de Poséidon et de la nymphe Thosa, l’amoureux de Galatée ? Quel chemin aride pour deviner la tête et les épaules de Gala dans cette série de sphères suspendues dans l’espace. C’est l’art et l’amour dans toute sa complicité. En 1968, Dali fait l’acquisition du château de Pubol dans sa Catalogne natale. Gala y repose en paix depuis 1982.

 

Les relations plus qu’étroites qui se nouèrent ainsi depuis fort longtemps entre les artistes et leur muse se firent et se défirent au gré des joies et des peines, des complicités et des conflits mais quelle que soit l’usure du temps, la femme, dans toute sa richesse, reste à vie la grande inspiratrice de artiste qui cherchait l’amour sans le trouver. Dans l’art et l’amour, existe et vit intensément un couple probablement éphémère mais indissociable pour l’éternité.